Marcinelle : la maison de l’horreur fera place à un Jardin mémorial
V oilà des années que la question fait débat : que faire de la tristement célèbre maison de Marc Dutroux, à Marcinelle ? Une fois rasée, elle devrait finalement faire place à un jardin mémorial. Le projet, mené par la Ville de Charleroi et soutenu par les parents des jeunes victimes, a été présenté pas plus tard que ce vendredi matin.
Un espace public végétalisé et coloré ; un jardin fleuri tout au long de l’année, serti de murs blancs, rehaussé du sol comme pour rappeler que le temps, parfois, suspend son vol et n’efface pas le souvenir d’un des plus effroyables faits divers qu’ait connu notre pays : voilà ce qui, finalement, après bien des vicissitudes, pourrait supplanter la “maison de l’horreur” où Marc Dutroux y a caché et fait périr notamment les petites Julie et Mélissa, à Marcinelle. Il y a déjà 25 ans…
« C’est très important pour les parents, la Ville et ses habitants qu’il y ait là un lieu de mémoire à la hauteur de cette tragédie. La question s’est posée de savoir s’il fallait démolir ou non. Finalement, en concertation avec les parents de Julie Lejeune et Mélissa Russo, nous avons, avec la cellule du Bouwmeester, défini un projet qui soit un jardin inscrit dans l’espace urbain et qui soit en même temps un monument » indiquait le bourgmestre Paul Magnette lors d’un point presse. « Une fois que la Ville est devenue propriétaire de l’îlot, nous avons choisi de nous donner le temps de réfléchir à la meilleure manière d’honorer de manière plus durable la mémoire des victimes. Nous avons pris le temps de penser ce jardin, de l’élever et de lui donner pour vocation d’apaiser la mémoire, dans le calme, dans la solennité d’un paysage arboré et nimbé de lumière. Nous n’avons pas hésité à consulter, à aller voir ailleurs ce qui avait pu être fait dans les mêmes circonstances et nous avons veillé, surtout, à donner la parole aux parents qui pour nous était primordiale. Ce projet, ajoutait le bourgmestre, c’est autant celui des familles que de la Ville de Charleroi. »
Raser la bâtiment en premier lieu ? « Ce fut une décision difficile à accepter compte tenu de la charge historique et émotionnelle qu’il représente mais, finalement, on en a discuté et on s’est dit que c’était peut-être la décision de la raison » avouait pour sa part Gino Russo, présent à ce point presse tout comme Jean-Denis Lejeune et Louisa Albert. « Ce n’est qu’une fois qu’on a pu, psychologiquement, se faire à cette idée, qu’on a pu collaborer à la réflexion ».
« Je tiens quant à moi à remercier la Ville dans sa globalité. C’est très important d’avoir un élément qui fait qu’on n’oublie pas l’histoire. Ici, le mémorial c’est quelque chose qui sera fait tout en douceur ; le projet, nous l’avons modulé ensemble, pour qu’on n’oublie pas mais avec un sentiment de positivité afin qu’on pense à l’avenir de nos enfants » continuait Jean-Denis Lejeune.
« Par cette intervention, nous allons lever les murs pour effacer la noirceur et y faire entrer la lumière (…) ensemble, résumait Georgios Maïllis, le bouwmeester de Charleroi, avec Carine, Louisa, Gino et Jean-Denis, nous avons créé un lieu d’apaisement mutuel : un jardin qui ramène de la vie dans ce quartier meurtri, un jardin mémorial Entre Terre et Ciel ».
Ainsi que le soulignait ce dernier, la volonté de la Ville est d’opérer un travail de transfiguration dans cet espace qui aspire à recouvrir son apaisement et ses prérogatives primordiales. “Le projet de réhabilitation cherche à se baser sur la dimension locale du quartier et la transformation positive de celui-ci pour ses habitants tout en constituant une source de recueillement. L’objectif est d’enclencher une valorisation paysagère et urbaine au travers de différentes interventions sur les parcelles démolies et dans les rues avoisinantes. L’essentiel du projet réside dans la création d’un jardin mémorial, à l’intersection entre la rue Damzelles et l’avenue de Philippeville ainsi que dans l’aménagement des rues et des abords du chemin de fer ».
Il s’agira aussi d’un espace capable de s’ouvrir sur la ville. Ce sera plus qu’un jardin, mais un monument qui se trouvera inscrit dans un espace public, à 2 mètres de hauteur, un jardin suspendu entre terre et ciel, donc. « On y plantera des arbres, des arbustes et autres essences végétales offrant une variété de floraison tout au long de l’année. L’idée du projet est d’insérer une maçonnerie assurant la stabilité du mitoyen mis à nu dans le cadre des travaux de démolition. La maçonnerie de parement sera travaillée de manière poussée afin de conférer à ces murs de briques blanches le statut de façade à part entière. Cette maçonnerie créera dans le même temps une jardinière et un long mur et haut cadrant le nouvel espace public. Les deux façades ainsi créées accueilleront également l’œuvre d’un plasticien contemporain. La fresque existante, ancrée dans la conscience collective, sera réinterprétée et réintégrée sur l’un des murs mitoyens. Le tout sera complété par un nouveau mât d’éclairage public et un bac à arbres maçonné pouvant servir de bancs à ceux qui voudront venir se recueillir.”
Qu’en est-il du timing ? On sait que les maisons n° 128 et 124 ont été achetées par la Ville de Charleroi en vue de leur démolition. Un espace d’environ 200 m² sera ainsi dégagé pour la création de ce jardin mémorial. A cet effet, le permis d’urbanisme devrait être déposé très rapidement. On parle de deux cents jours ouvrables pour obtenir le feu vert de la Région wallonne et ainsi entamer dans la foulée des travaux d’aménagement qui devraient, outre sa vocation première, entraîner une mise en valeur globale et progressive du quartier.