Une première rue “Patrice Lumumba”, et c’est à Charleroi
D eux jours après le soixantième anniversaire de l’indépendance du Congo, Charleroi a rendu un vibrant hommage à Patrice Emery Lumumba, un de ses pères fondateurs, en lui dédiant une rue située dans le district Centre de la ville.
La rue Patrice Lumumba remplace désormais la rue P. Pastur. Coupée par celle du Roton, qui longe l’école du même nom, elle rappellera désormais au passant le destin tragique du premier Premier ministre du Congo libre. Assassiné à l’âge de 35 ans, Patrice Lumumba reste un modèle d’engagement et de défense des idées de liberté et de tolérance.
C’est comme si le soleil, entrecoupé de multiples nuages ces derniers jours, s’était rappelé à nos bons souvenirs, ce jeudi après-midi 2 juillet, pour daigner apparaître et illuminer de ses rayons une cérémonie que l’on imagine empreinte de beaucoup d’émotion.
De l’émotion, il y en avait dans le chef de tous les invités à cet événement que l’on qualifiera, n’ayons pas peur des mots, d’historique. Historique, en effet, puisque Charleroi est la première ville wallonne, voire belge, à rendre ainsi hommage à un homme mort pour ses idéaux d’égalité, de justice et d’humanisme. Un grand homme, chantre de la lutte contre le racisme, chasse courtoisement un autre grand homme, Paul Pastur, lequel, selon les propres mots du bourgmestre Paul Magnette, qui était entouré pour l’occasion de multiples invités, dont le fils en personne de Patrice Lumumba, ne devrait pas en prendre ombrage et se consoler qu’on ne lui ait pas pris, dans le cadre de cette chasse aux doublons odonymiques entamée voici plusieurs années par la Ville de Charleroi, la belle avenue épononyme qui traverse Mont-sur Marchienne.
S’exprimant en premier devant les représentants de l’ambassade de la RDC, de ses collègues du collège et du conseil communal, du collectif Mémorial et Lutte contre les Discriminations, d’Europe Belgium Diversity, de l’asbl Soleil Levant, les uns et les autres artisans de la concrétisation du projet qui les réunissait à l’heure où l’on parle tant du passé colonial de notre pays, Paul Magnette devait mettre l’accent sur le caractère historique du moment : « il s’agit d’une journée importante ; nous nous étions promis d’attendre une date importante, voilà qui se concrétise. Cette rue, dit-il, n’a pas été choisie au hasard ; elle se situe dans un quartier très multiculturel, qui longe une école, un lieu très important aux yeux de Patrice Lumumba qui croyait en la force de l’éducation pour mener son peuple vers l’émancipation. Nous sommes bien évidemment, a ajouté le bourgmestre, dans un contexte très particulier ; il faudra, après les regrets dont a fait part le chef de l’Etat, les excuses qui devront s’en suivre, tirer les conclusions politiques. Non pas pour un aboutissement mais pour entamer une nouvelle page d’histoire commune. S’il y a encore tant de faits de racisme, c’est aussi à cause de cette page coloniale. Nous devons en tirer les leçons et lutter de toutes nos forces contre toutes les formes de discrimination. C’est quelque chose dont, à Charleroi, nous sommes très fiers : notre engagement et la sincérité du message que nous entendons faire passer ».
Après lui, plusieurs intervenants ont aussi pris la parole. Si Leslie Makoso, Mémorial et lutte contre les Discriminations, parlait d’un premier pas vers la décolonisation des mentalités, le docteur Maximin Emagna, d’Europe Belgique Diversité, rappelant la longue procédure, qualifiait également la décision d’historique : “il s’agit de la première rue Patrice Lumumba en Belgique ; la lutte contre le racisme ne peut être efficace que si l’on fait le lien entre le passé et le présent. Inscrire le nom de Lumumba en haut sur le coin d’une à Charleroi démontre que celle-ci est en avance sur d’autres villes”.
Alors que Caleb Djamany (asbl Soleil Levant) et Gaëtan Bangisa, conseiller communal rappelaient combien il fallait voir dans ce geste, fruit d’un long travail de concertation avec les autorités communales, « l’instant Zéro d’un nouveau vivre-ensemble », Guy-Patrice Lumumba devait conclure la cérémonie, juste avant qu’on ne procède au dévoilement des plaques, en parlant d’un geste politique synonyme de grand courage de la part de Charleroi et de son bourgmestre. « Il s’agit d’une grande reconnaissance faite à mon père assassiné”. Il en brossa brièvement le portrait « Mon père était un humaniste et un antiraciste. Il a toujours lutté pour la dignité de l’homme et c’est la raison pour laquelle il a été tué”. S’adressant non plus au bourgmestre mais au président du premier parti wallon, il a plaidé pour que la dépouille de Patrice Lumumba soit rapatriée au pays qui l’a vu naître. « La Belgique ferait ainsi un grand pas vers la réconciliation ».