Charleroi, territoire d’inclusion numérique : un plan d’actions pragmatique et volontariste !
A ssurer la transformation numérique de l’administration pour la rendre plus efficiente et moderne, tout en garantissant aussi un service de qualité aux citoyens les plus éloignés des nouvelles technologies, c’est ce double objectif auquel la Ville de Charleroi a décidé de répondre. Avec volontarisme et pragmatisme.
L’ambition d’évoluer vers une administration 4.0 doit tenir compte des publics les plus numériquement fragilisés. La crise du Covid-19 a vu les phénomènes d’exclusion sociale qui accompagnent la révolution numérique s’aggraver. Les récits abondent. D’élèves amenés à dactylographier des travaux scolaires entiers sur leur smartphone, seul support numérique disponible, de même que certains enseignants ont dû s’adapter au numérique pour donner leur cours. De personnes âgées totalement coupées de leurs proches, les maisons de repos ou les familles étant insuffisamment équipées pour permettre la vidéoconférence. De personnes porteuses de handicap contraintes de recourir à certaines interfaces inadaptées à leurs difficultés.
Au terme d’une enquête approfondie, le « Baromètre Citoyens 2019 » de l’Agence du Numérique pointe que « dans un contexte où le numérique prend chaque jour une place plus importante dans tous les domaines de la société, l’exclusion numérique est une réalité vécue par au moins 20% de la population, voire 34% si l’on y adjoint les « usagers faibles » qui n’ont qu’une maîtrise fort limitée des technologies numériques ». Ce manque de compétences risque de les handicaper dans leurs démarches quotidiennes (paiement bancaire, déclarations d’impôts, réservations ou prises de rendez-vous en ligne, contact avec la mutuelle, etc.) ainsi que dans l’exercice de leur citoyenneté.
Ce constat alarmant encourage la majorité communale à faire preuve de volontarisme en cette matière, afin de réduire la fracture numérique présente sur le territoire, et d’atteindre les objectifs d’inclusion sociale qui figurent au cœur du Projet de Ville 2018- 2024. Il est indispensable de définir une vision stratégique commune en matière d’inclusion numérique, et d’établir des objectifs ambitieux, à la hauteur des enjeux du moment.
La lutte contre la fracture numérique nécessite la mise en place d’actions adaptées aux personnes les plus touchées. Selon le Baromètre de l’Inclusion numérique de la Fondation Roi Baudouin publié en août 2020, « les personnes avec des faibles revenus et un niveau de diplôme peu élevé sont les plus touchées : elles n’accèdent que très partiellement aux immenses potentialités d’internet. Mais cette fracture ne touche pas que les profils dits “à risque” : les jeunes ou les personnes avec de plus hauts revenus peuvent aussi être concernés ».
Si l’on s’attarde sur les inégalités au niveau des compétences numériques, le Baromètre montre que « 40% de la population belge sont à risque d’exclusion numérique : 32% n’ont que de faibles compétences et 8% sont des non-utilisateurs d’internet. Plus les revenus sont faibles et le niveau de diplôme peu élevé, moins on dispose de compétences numériques (75%) ».
Dans ce contexte, la majorité communale a décidé de coordonner son action de manière transversale afin notamment de parvenir à atteindre ces publics. Il importe pour cela de s’appuyer sur des relais et d’assurer leur formation. Les acteurs de première ligne (agents communaux et du CPAS, services d’insertion sociale (SIS), association de lutte contre la pauvreté, etc.) sont de plus en plus sollicités par les citoyens pour les aider dans leurs usages numériques ou pour les orienter vers des structures adéquates. Au sein de la Ville de Charleroi, on pense surtout aux travailleurs des guichets citoyens qui rendent d’ores et déjà une série de services face aux citoyens qui ne disposent pas du matériel adéquat (lecteur de carte pour des connexions sécurisées) ou qui ne maitrisent pas le fonctionnement de certaines plateformes ou applications (Itsme, par exemple).
Le projet que la Ville de Charleroi entend mener se structure autour de trois axes : (1.) formation et accompagnement des publics fragilisés, (2.) connectivité, et (3.) supports numériques.
Il intègre l’ensemble des compétences échevinales et les met en lien. Il se veut pragmatique, en visant, autant que possible, les moyens budgétaires et administratifs qui seront mis en œuvre.
Enfin, il fera l’objet d’un pilotage étroit, avec une évaluation semestrielle des avancées réalisées, et le cas échéant, la fixation de nouveaux objectifs. Les actions qui seront menées de manière transversale en faveur de l’inclusion numérique connaitront leur apogée en 2022 lors d’un événement – une sorte de Grandes Assises de l’Inclusion du Numérique- qui rassemblera tous les acteurs concernés.
A. Formation et accompagnement : 100 aidants numériques en un an
L’objectif est de former, sur le territoire de Charleroi, le plus grand nombre possible d’aidants numériques. Au sein de l’administration communale dans un premier temps (centres troisième âge, maison de jeunes, bureaux d’état-civil/population, antennes sociales du CPAS, etc.), au sein d’ASBL de première ligne dans un second temps (actives dans les secteurs de l’alphabétisation, de l’intégration, de la grande précarité).
D’ici la fin de l’année, entre 30 et 40 aidants numériques auront déjà été formés, au sein de l’administration communale de Charleroi, via une formation de base dispensée en visioconférence et financée dans le cadre des programmes INTERREG, en collaboration avec WeTechCare et TechnofuturTIC. Association ayant pour mission de faire du numérique un véritable levier d’inclusion, WeTechCare donne les capacités d’agir aux acteurs de terrain afin de faire changer d’échelle l’accompagnement numérique en Belgique.
L’atelier que les fonctionnaires de Charleroi ont pu suivre est une bonne entrée en matière pour découvrir les problématiques de l’inclusion numérique et acquérir les « gestes de premier secours » face à une personne en fragilité numérique — l’accueillir, évaluer son niveau de d’aptitude numérique, lever les freins à se former et l’orienter vers une structure de formation (type EPN) pour développer son autonomie numérique. La plateforme www.123digit.be a été présentée aux participants : elle aide les acteurs de terrain à accompagner leurs publics en difficulté sur le numérique. Cette plateforme permet notamment d’évaluer le niveau d’autonomie numérique des personnes.
« L’intention est de former une centaine d’aidants numériques à Charleroi d’ici un an », précise Eric Goffart.
B. Connectivité : 3 millions d’euros pour du WIFI dans les bâtiments publics
Les pouvoirs locaux possèdent un avantage comparatif très important en matière de lutte contre la fracture numérique. Ils sont sur le terrain, proches des personnes en rupture. C’est le cas de la Ville de Charleroi qui possède un parc important de bâtiments publics situés au cœur des quartiers, dont un grand nombre est accessible au public : bibliothèques, centres d’accueil du troisième âge, centres sportifs, antennes sociales du CPAS, Hôtel de Ville et maisons communales annexes, etc.
L’objectif de la majorité en matière de connectivité est de mettre en place une dynamique d’équipement progressif de tous ces lieux en Wi-Fi librement accessible au grand public. A la demande de l’échevin du Développement du Numérique, Eric Goffart, un montant de 750.000 euros a été inscrit au budget 2021.
« L’objectif est que les montants soient pérennisés dans le PPI. Progressivement, au moyen de marchés stocks de travaux ces bâtiments d’accueil du grand public seraient équipés en wifi, pour un investissement de 3 millions d’euros à l’horizon 2024 (750.000 euros par an) », précise Eric Goffart.
Ce nouveau projet est additionnel à l’installation (actuellement en cours) d’un réseau de Wi-Fi urbain accessible sur le territoire communal (Quais de Sambre, Parc Reine Astrid, Campus universitaire et Cité des Métiers, etc.) ainsi que dans les Maisons Communales Annexes.
Ces initiatives s’articulent en complémentarité avec les engagements du Gouvernement wallon repris dans sa Déclaration de Politique Régionale, tant au niveau de la poursuite du développement d’espaces publics numériques (EPN) pour permettre l’accès collectif aux technologies numériques, comme un accès à internet (DPR 8.11), que dans le renforcement de l’accessibilité des espaces publics numériques (EPN) notamment à destination des personnes porteuses d’un handicap en les adaptant à leurs besoins (DPR 8.11). Le Gouvernement entend également « charger les espaces publics numériques (EPN) de créer un programme commun d’acquisition de compétences minimales spécifiquement destiné aux publics fragilisés par la fracture d’usage numérique et d’en faire la promotion ».
Le dispositif des Espaces Publics Numériques compte 163 lieux répartis sur 124 communes dont 7 sur le territoire de la Ville de Charleroi. Il propose à un large public un programme d’accès, d’initiation et d’accompagnement aux usages du numérique.
C. Supports numériques : 250.000 euros par an pour du matériel informatique
Outre la formation et l’accompagnement des aidants numériques et la connectivité des lieux accessibles au public, le dernier axe de notre action touche à l’équipement des publics précarisés en supports numériques.
« Nous avons lancé, avec ma collègue en charge de l’Enseignement Julie Patte, un appel à projets visant à équiper les enfants de certaines classes lauréates (choisies sur dossier, dans des écoles disposant d’un indice socio-économique compris entre 1 et 10) de tablettes (primaire) et de laptops (secondaire). Cette initiative a connu un franc succès auprès des écoles dont le nom des lauréates a été communiqué le 2 décembre dernier », précise Éric Goffart.
Une enveloppe de 450.000 euros permettra de doter les élèves des classes lauréates de chèques numériques de 250 euros (primaire) ou de 350 euros (secondaire) à valoir sur l’acquisition d’une tablette ou d’un ordinateur.
L’objectif est d’équiper des classes complètes en matériel permettant à l’enseignant de déployer des projets pédagogiques avec le concours des élèves, tant en classe qu’à la maison.
« Plus largement, je souhaiterais que des montants de 250.000 euros par an (1 million à l’horizon 2024) soient inscrits au PPI afin d’acquérir des supports numériques pour équiper les bibliothèques, centres troisième âge, etc. Au budget 2021, un premier montant de 250.000 euros a été inscrit », reprend l’échevin du Développement numérique.
Ces supports auront vocation à être utilisés sur place, sous l’autorité des fonctionnaires responsables des lieux considérés.